Dessinez-moi une station-service qui puisse se passer d’enseigne publicitaire, un bâtiment d’appel qui crée l’événement et dont l’image suffise à attirer l’attention. Le briefing était clair. Le résultat l’est tout autant. Et tout de bois vêtu.
Le projet initial était plus conventionnel d’un point de vue structurel, mais le client souhaitait un rôle d’appel plus fort. Par ailleurs, l’urbanisme demandait que la construction joue aussi un effet de ‘porte’ pour la ville. S’inspirant de la forme en pointe du terrain, l’architecte Jacques Windeshausen, du bureau Architecture & Aménagement, s’est replongé dans ses manuels de géométrie pour s’amuser quelque peu.
La forme de l’ auvent est obtenue par la juxtaposition de deux ‘v’, explique l’architecte. L’intersection protège le centre de l’auvent et favorise l’accueil vers le shop. Quant aux ailes de la toiture à deux versants, elles ont été relevées vers l’extérieur pour accroître la convivialité des lieux. Le client n’a donc pas l’impression de rentrer dans une forme fermée telle une carapace de tortue.
Le choix du bois n’avait pas été imposé par les clients. Toutefois, séduits par une station-service en bois au Grand-Duché de Luxembourg, ils avaient manifesté leur intérêt pour le matériau. L’image chaleureuse du bois cadrait parfaitement avec leur vision des lieux. Il s’agissait également d’un moyen de conférer aux carburants un caractère plus écologique et proche de la nature.
Une fois la forme couchée sur papier, il ne restait plus au concepteur qu’à trouver un moyen de la faire tenir en grandeur nature. En collaboration avec la société Lamcol et deux bureaux d’études, l’architecte a pu commencer à assembler les différentes pièces du puzzle. L’auvent se compose d’une colonne vertébrale en métal et d’un squelette en bois, attaché à la colonne centrale avec des charnières comparables à celles d’une porte. La ‘goupille’ est en réalité un long plat invisible embreuvé. Presqu’aucune boulonnerie n’est apparente. Cette solution permet un montage relativement facile, rapide et invisible. Inutile de préciser que les assemblages ont fait l’objet d’une attention toute particulière, précise Marcel Schutz, de la société TVB. Les éléments spéciaux ont été pensés et préfabriqués pour permettre un réglage des charnières sur place.
Concernant la structure secondaire en bois (le squelette), l’architecte a longuement hésité avant d’opter pour un voligeage assez dense. Nous voulions éviter l’effet véranda et plutôt conférer l’idée d’un plancher translucide. Raison pour laquelle la solution finale a utilisé plus de bois que nécessaire d’un point de vue structurel. Toute la structure en épicéa lamellé-collé a ensuite été recouverte de plaques en acrylate boulonnées tandis que les pointes de l’auvent ont été habillées de pièces d’acier qui font également office de gargouilles. La récupération des eaux de pluie a quant à elle été intégrée directement dans la structure portante en acier. Concernant la finition, la structure en lamellé-collé a été traitée avec une lasure incolore, précise Marcel Schutz.
Au départ, les concepteurs avaient imaginé réaliser les grands arcs de la colonne vertébrale en bois. Au vu des problèmes de torsions, cette idée a rapidement été écartée. Les ‘grandes côtes’ présentent en effet un porte-à-faux de 10,8 m à reprendre à l’assemblage avec la colonne vertébrale. La solution en acier constituait dès lors un beau compromis, assurant stabilité et légèreté. L’acier et le bois sont très complémentaires et se marient parfaitement.
Le bâtiment à l’arrière de la station a été conçu tel un décor ou fond de scène pour l’auvent. Initialement, ce bâtiment ne devait compter qu’un rez-de-chaussée pour accueillir un shop d’une surface commerciale de 600 m2 mais l’urbanisme a demandé que le bardage en bois soit élevé d’un étage pour l’effet visuel, explique Jacques Windeshausen. Après une longue réflexion et une nouvelle étude de marché, les propriétaires ont décidé d’aménager un motel de 8 chambres à l’étage. Si le rez-de-chaussée a été construit en traditionnel (béton), le motel est quant à lui entièrement réalisé en structure bois et littéralement posé sur la base en béton.
La façade du shop et du motel est recouverte d’un bardage vertical en douglas traité en autoclave qui assure une homogénéité générale. Le bardage a lui aussi été entièrement préfabriqué en atelier, en panneaux en 1,2 à 1,5 m de large pour tomber dans les modules des fenêtres, dit Marcel Schutz. Le bardage dissimule les escaliers extérieurs qui mènent au motel ainsi qu’une coursive extérieure donnant accès aux différentes chambres. Visuellement, l’effet est surprenant car depuis les pompes on ne peut rien soupçonner alors qu’en sortant des chambres la piste de la station est directement visible, enchaîne l’architecte.
Construit en plein hiver, entre novembre et février, le projet a pu avancer à un très bon rythme. Et ce malgré les conditions atmosphériques pénibles, déclare l’architecte. Cela n’aurait certainement pas pu être le cas si nous avions travaillé avec un autre matériau que le bois.
Architecture : Jacques Windeshausen, Architecture & Aménagement, architecture.amenagement@skynet.be
Structure bois : Lamcol, www.lamcol.be
Montage : Techniques & Valorisations du bois (TVB), www.tvb.be
Architecture & Aménagement
Jacques Windeshausen - Rue des Jardins, 13 | 6600 Bastogne
T. 061/21 50 34
F. 061/21 79 39
E. architecture.amenagement@skynet.be