Au cours des années 1970 déjà, on avait découvert que le bois traité à haute température offrait un avantage important : une durabilité « naturelle » accrue. Actuellement, l’accent est surtout mis sur le fait que le traitement à haute température améliore la stabilité dimensionnelle du bois : il réduit le gonflement et le retrait ainsi que les déformations suite à l’absorption d’humidité. Un état des connaissances.
Texte: Prof. Dr. Ir. Joris Van Acker & Prof. Dr. Ir. Marc Stevens, Laboratorium Voor Houttechnologie (Universiteit Gent)
Traiter le bois à haute température pour lui conférer une meilleure stabilité dimensionnelle n’est pas neuf. En 1973 déjà, Burmeister avait publié les principes de base de ce qu’il nommait le processus FWD (Feuchte Wärme und Druck). Il s’agit en fait d’une pyrolyse contrôlée, le bois étant chauffé ( 180 °C) en absence d’oxygène (O2), ce qui cause des modifications chimiques. Ce phénomène peut être provoqué de différentes façons. L’évolution des températures peut varier, l’atmosphère ambiante également : azote, vapeur,… On peut également plonger le bois dans un bain d’huile bouillante (oléo thermie).
Le bois se compose principalement de cellulose (un polymère du glucose) et de lignine, mais également, en partie, d’hémicelluloses (des polymères de différents sucres). Un traitement à haute température a surtout pour objet d’agir sur l’hémicellulose et, dans une certaine mesure, de restructurer la lignine. De telles transformations s’opèrent à des températures tellement élevées que la présence d’oxygène mènerait immanquablement à l’oxydation et à l’auto-inflammation. Il existe, pour des polymères tels que les hémicelluloses et la lignine, une certaine température appelée « température de transition vitreuse » au-dessus de laquelle ils deviennent souples et flexibles. Cette particularité, à laquelle s’ajoutent une série de transformations chimiques, est à l’origine de nouvelles structures chimiques et d’une repolymérisation.
Le bois traité thermiquement aura des propriétés différentes selon le type de procédé appliqué mais le but reste de remédier aux deux principales imperfections du bois en tant que matériau biologique. Il s’agit en premier lieu du fait qu’il est, selon l’espèce, plus ou moins biodégradable, ce qui permet d’adapter le choix de l’essence en fonction de l’application et de la durée de vie requise. C’est pour cette raison que le bois qui a subi un traitement thermique est parfois considéré comme une nouvelle espèce de bois dont la durabilité est comparable à la durabilité naturelle des essences feuillues tropicales notamment. La résistance à la pourriture est généralement considérée comme le principal critère de choix des essences pour des applications extérieures sans contact direct avec le sol. En cas de contact avec le sol, les champignons de la pourriture molle contribuent très largement à déterminer le temps pendant lequel un élément reste fonctionnel. S’il est vrai que plusieurs éléments indiquent que le bois traité thermiquement dispose d’une résistance accrue aux attaques de champignons, il est également vrai que cette résistance ne constitue pas, dorénavant, l’objectif premier du traitement. Le bois traité à haute température est maintenant souvent utilisé là où une amélioration de la stabilité dimensionnelle est également un atout important. En effet, les modifications physico-chimiques qui se sont produites dans le bois sont également de nature à corriger la seconde des deux imperfections majeures de ce matériau, à savoir son gonflement et son retrait suite aux variations d’humidité et donc sa tendance à se déformer. Technologiquement, cette amélioration est généralement exprimée par la valeur ASE (Anti Shrink/Swelling Efficiency), qui indique dans quelle mesure le bois traité présentera un retrait ou gonflement inférieur à celui du matériau de départ. On obtient couramment des valeurs qui se situent aux environs de 50%.
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Pour certains procédés, il est possible d’utiliser des séchoirs à convection transformés. D’autres requièrent l’utilisation d’installations d’imprégnation sous vide et pression qui peuvent fonctionner à des températures élevées, comme les installations de créosotage. Pour les traitements à la vapeur par contre, un appareillage spécifique est nécessaire.
Différentes variantes du traitement à haute température ont été développées, en fonction du pays où le procédé de base a été mis en oeuvre industriellement.
En Finlande, plusieurs entreprises se sont associées sous le label ThermoWood® pour ce qui concerne le contrôle de la qualité et la diffusion d’informations. Les produits finlandais disponibles sous la marque ThermoWood® sont obtenus par traitement à haute température, en utilisant de la vapeur d’eau dans des séchoirs adaptés. Le processus a été développé par VTT à Espoo. Parmi les entreprises finlandaises qui exportent du bois traité thermiquement : Finnforest, Stellac Wood, Stora Enso, UPM-Kymmene (pour plus de détails voir le site Web de ThermoWood). Depuis 2016, il existe également un producteur belge de ThermoWood actif dans notre pays : LDCWood !
Aux Pays-Bas, on a développé, sur base d’une technologie mise au point par la compagnie pétrolière Shell, un processus en différentes phases connu sous l’appellation commerciale Plato ®. Ce procédé comporte les phases suivantes :
En France aussi, des initiatives sont en cours pour la mise en oeuvre industrielle de résultats d’essais. Plusieurs sont basées sur des résultats obtenus par « L’école des mines de St-Etienne ». Il s’agit de procédés appliqués sous atmosphère d’azote, généralement à des températures un peu plus élevées qu’en Finlande. Ce traitement s’effectue à des températures comprises entre 200 et 240 °C, en milieu clos, sans oxygène. En France, le bois ainsi traité est plus couramment appelé « Bois rétifié® » et certains brevets sont gérés par l’entreprise NOW (New Option Wood).
Voici une description succincte du procédé :
Le terme “rétifié” est un néologisme obtenu par association et contraction des termes “réticulation” (réorganisation de certaines chaînes moléculaires sous l’effet de la chaleur) et “torréfaction” (début de calcination). Ce terme est de plus en plus utilisé pour désigner le bois traité à haute température. La marque “Bois rétifié®” a été déposée, tout comme toutes les autres marques utilisant la racine “RETI”, pour autant qu’elles se rapportent à un procédé concernant le bois. Les dénominations RETIBOIS, RETITECH, RETIMAC, HTT désignent des entreprises qui utilisent ce procédé.
Par ailleurs, en France (CIRAD, Montpellier), mais également en Allemagne (BFH, Hambourg et Menz-Holz), des techniques d’oléo thermie, où le bois est chauffé dans l’huile, ont été portées à l’échelle industrielle. D’autres initiatives sont en cours au Canada et en Autriche, mais il est difficile de dire s’il s’agit vraiment de mise en oeuvre industrielle ou plutôt de vente de technologie.
Enfin, quelques nouveaux développements de procédés sont actuellement à l’étude, entre autres dans la phase d’adaptation à l’échelle industrielle ; certains d’entre eux passeront sans doute bientôt à la phase de production industrielle.
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En principe, toutes les essences peuvent être utilisées pour le traitement thermique. Les différences chimiques et anatomiques entre les bois feuillus et résineux font que les procédés sont également différents. Il est évident que des défauts, tels que des noeuds, dans le matériau de départ, se manifesteront dans le produit final. Le bois doit être sec dans la première phase, ou au moins avoir été pré-séché. Le renforcement des défauts initiaux ainsi que le risque d’apparition de défauts de séchage requièrent une adaptation du procédé à la qualité et à l’application finales visées. Des essences résineuses ainsi que des essences feuillues à masse volumique réduite comme le peuplier et le peuplier tremble sont préconisées. Des essences résineuses à croissance rapide et au séchage aisé, comme le Pinus radiata, sont nettement plus faciles à traiter que les essences feuillues à porosité diffuse notamment. Mais même si on utilise un matériau uniforme – une seule essence et une seule dimension – la variabilité de la masse volumique (densité), de la fréquence des défauts, de la qualité du bois et du taux d’humidité pourra conduire à d’importantes différences entre les qualités finales des poutres ou des planches.
La plupart des producteurs de bois traité thermiquement prétendent contrôler parfaitement leur procédé et être à même de livrer des produits finis présentant les propriétés escomptées. Le fait que l’attention soit régulièrement portée sur certaines lacunes en cette matière souligne l’importance primordiale d’une bonne conduite du procédé. Le taux d’humidité initial et le procédé de séchage constituent une première base. Il est évident que la température atteinte, ainsi que le mode de réchauffement et de refroidissement sont également importants. De plus, il importe de tenir compte de l’interaction entre le taux d’humidité et le retrait et la déformation du bois, ainsi que des dimensions du matériau à traiter. Dans des pièces de grandes dimensions, les parties intérieure et extérieure n’atteignent pas la température la plus élevée au même moment et pendant un même laps de temps. Si dans les procédés conventionnels de séchage on accorde beaucoup d’attention à l’uniformité du traitement, notamment par un flux d’air stable à température et l’humidité spécifiques, on peut imaginer que ces précautions seront encore plus importantes dans un procédé où des températures nettement plus élevées sont atteintes. Le degré d’uniformité du processus dans l’installation est inhérent au parcours critique de la température. Des différences entre les paramètres globaux du procédé sont considérées comme des outils de production de matériaux présentant différentes propriétés. Ainsi, on distingue en Finlande la classe Thermo-S, axée sur la stabilité, et la classe Thermo-D, axée sur la durabilité biologique (voir Tableau).
Le produit fini d’un traitement thermique n’est pas uniforme. Un produit en bois n’est d’ailleurs jamais uniforme et le secteur du bois a l’habitude de travailler en tenant compte d’incertitudes et de variabilité de qualité. Lorsque le bois est traité chimiquement, les problèmes de variabilité sont compensés par un dosage suffisamment élevé du produit et par la simplicité et la fiabilité du procédé de contrôle, par une simple analyse chimique du produit fini notamment. De nombreuses normes et prescriptions techniques permettent de maîtriser la qualité. Lorsque le bois est traité thermiquement, le contrôle du produit fini est difficile. Il est très difficile d’effectuer des analyses chimiques pour contrôler le bon déroulement du processus. Les tentatives de mesure des propriétés par détection des radicaux qui ont été réalisées jusqu’à présent n’ont qu’une valeur académique. La coloration brune semble être un paramètre approprié ; il est utilisé dans plusieurs entreprises finlandaises pour trier le bois en classes de qualité. Ce critère ne peut toutefois pas être généralisé parce qu’il est parfaitement possible de produire du bois brun foncé sans recourir à un procédé contrôlé de traitement thermique. La meilleure option consiste à contrôler les propriétés physiques modifiées du bois. Cela peut se faire en déterminant le taux d’humidité ou par un simple essai de retrait/gonflement. De telles méthodes n’ont pas encore été vérifiées avec tous les procédés et il n’est pas encore possible d’évaluer leur possibilité d’application en fonction de la qualité finale.
En fait, actuellement, seul un contrôle poussé du procédé peut servir de base pour une garantie de qualité. Le fait d’affirmer que le produit fini est une « nouvelle espèce de bois » ne suffira pas à convaincre le consommateur final qui attend un produit de haute qualité.
Le bois traité thermiquement est souvent proposé pour sa durabilité biologique accrue. Cette meilleure résistance aux champignons n’est pas obtenue en ajoutant des biocides, comme c’est le cas pour la préservation chimique du bois, mais en modifiant la composition physico-chimique du bois. Les champignons de la pourriture ne sont plus à même d’utiliser le bois traité thermiquement comme source alimentaire. Il importe de souligner que le développement de champignons qui ne se nourrissent pas de bois ne semble généralement pas être entravé. Ainsi, le traitement thermique ne semble nullement importuner les champignons du bleuissement et les moisissures, qui peuvent continuer à se développer. Ceux-ci ne causent toutefois jamais de dégâts structurels et exigent une humidité plus élevée.
Sa meilleure relation à l’humidité est une seconde qualité importante du bois traité thermiquement. Suite au traitement à haute température, le bois modifie son comportement en matière d’absorption d’humidité. De ce fait, son taux d’humidité d’équilibre se modifiera, mais il aura surtout l’avantage important de présenter des retraits/gonflements inférieurs et donc une stabilité supérieure. Il est évident qu’il s’agit ici d’une amélioration qui permet de mieux répondre aux exigences de certaines applications comme les menuiseries extérieures et les parquets, applications qui requièrent une bonne stabilité. De façon indirecte toutefois, cette amélioration aboutira à de meilleures performances générales: elle permet ainsi une meilleure résistance des systèmes de finition, comme les peintures et lasures.
En Scandinavie surtout, une grande importance est accordée à la teinte plus sombre du bois traité thermiquement. Ces pays n’ont aucune tradition d’usage des bois (tropicaux) de teinte sombre. De ce fait, le bois brun clair à foncé traité thermiquement est fort apprécié comme matériau supplémentaire et est utilisé surtout en aménagements intérieurs où l’aspect est important.
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Il est communément admis qu’une perte réduite à significative des propriétés mécaniques est possible en fonction du procédé sélectionné et de la qualité qui y est liée. Cette perte de résistance est due à la perte de masse qui apparaît au cours du processus de production. Il est donc conseillé d’être prudent dans l’utilisation en structure du bois traité thermiquement, ceci surtout compte tenu des connaissances encore réduites en matière de résistance mécanique à long terme (fluage entre autres) ou de comportement mécanosorptif notamment.
Suite au traitement thermique, le bois devient plus cassant, une propriété qui se manifeste surtout par une moindre résistance à la flexion dynamique ou résistance au choc. De ce fait, ce matériau convient moins pour du matériel de sport ou des manches d’outils par exemple. Certaines indications conduisent également à penser que la résistance à la traction transversale et à la fissuration diminuerait suite aux modifications subies par les lamelles mitoyennes riches en lignine (le lien entre les cellules). Ceci semble poser quelques problèmes pratiques, même s’ils ne concernent pas directement l’application en question. Ainsi, les ouvriers qui manipulent le bois auraient plus de problèmes d’échardes, tandis que la poussière de bois serait plus fine et plus irritante que celle du bois non traité.
Les modifications chimiques du bois peuvent également influencer les processus de vieillissement et d’altération. Certains traitements thermiques accéléreraient ces processus de façon considérable, on a donc intérêt à appliquer une couche de finition sur le bois traité à haute température qui est exposé aux intempéries. De même, le comportement au collage peut être modifié. Étant donné que certaines substances chimiques sont dissociées du bois au cours du traitement thermique, il est imaginable que des substances émanent aussi du produit fini. S’il est vrai que le matériau a une odeur, rien ne permet d’affirmer que les émissions dans l’air ou dans l’eau seraient différentes de celles des essences de bois qui sont généralement mises en oeuvre dans des applications analogues.
Aujourd’hui, les quantités de bois traité thermiquement étaient encore réduites. Les quantités disponibles sont plus proches de quelques milliers de mètres cube que de plusieurs centaines de milliers de mètres cube comme certains l’affirment.
Actuellement, le bois traité thermiquement est surtout utilisé comme matériau de recouvrement. En Scandinavie, en raison de sa teinte, une part importante de ce bois est utilisée en lambris.. Il a également été utilisé dans différents projets en bardage ainsi que pour des parois anti-bruit le long des autoroutes. On ne le retrouve pas encore couramment en menuiserie extérieure (portes et châssis) ou en mobilier de jardin, ce qui est probablement dû en partie aux exigences de qualité élevées de ces applications et au manque de connaissances relatives aux tolérances de qualité précises. Il est clair que des applications telles que les terrasses et le mobilier de jardin seront rapidement reprises dans la gamme des utilisations du bois traité thermiquement. Comme pour l’introduction d’une nouvelle essence de bois, le bois traité thermiquement devra conquérir une place sur le marché en tant que produit novateur, en s’appuyant sur sa qualité, sa disponibilité, son prix et son caractère fonctionnel.
Tableau 1. Résumé de l’influence du processus de traitement ThermoWood sur les propriétés du bois, ingedeeld volgens behandelingsklasse
Résineux (pin et épicéa) | Thermo-S | Thermo- D |
Température de traitement | 190°C | 212°C |
Résistance aux intempéries | + | ++ |
Stabilité dimensionnelle | + | ++ |
Résistance à la flexion | Pas d’effet | – |
Teinte sombre | + | ++ |
Feuillus(bouleau et frêne) | Thermo-S | Thermo- D |
Température de traitement | 180°C | 200°C |
Résistance aux intempéries | Pas d’effet | + |
Stabilité dimensionnelle | + | + |
ésistance à la flexion | Pas d’effet | – |
Teinte sombre | + | ++ |
Source: www.thermowood.fi